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LA SOCIETE TEMELPA


A deux pas de la Société Temelpa, Aline et Julie discutent dans un café. Elles se connaissent depuis quelques jours. Elles travaillent dans le même bureau mais Julie vient seulement d’être engagée comme dactylo. Elle est très préoccupée. Elle se plaint que ses employeurs ne reconnaissent pas ses compétences, que sa santé est médiocre, que son mari est un buveur et que son grand fils a de mauvaises fréquentations. Mais aujourd’hui elle a trouvé une oreille pour l’écouter. C’est Aline. Bien que vivant seule et avec de modestes moyens, Aline est satisfaite de sa vie. Les difficultés l’ont rendue plus forte et c’est sa vie intérieure, spirituelle, qui la soutient. Elle est capable d’entendre quand quelqu’un lui expose ses problèmes. Aline est donc immédiatement devenue l’amie de Julie. Elle l’invite à ne pas baisser les bras devant l’adversité, du moins pas avant d’avoir tout essayé. Julie commence alors à téléphoner à Aline chaque soir pendant de longs moments, puis pendant des heures entières, sans beaucoup varier dans ses doléances. Aline comprend que cela ne pourra pas durer mais, comme Julie parle fréquemment de suicide, elle se sentirait coupable de non-assistance à personne en danger si elle rompait les liens. D’autant qu’elle pense avoir peut-être le moyen d’aider sa collègue désemparée. En effet, elle doit sa force intérieure à une pratique spirituelle quotidienne et elle est toute disposée à partager son expérience avec Julie. Mais Julie saurait-elle entendre son message et en tirer bénéfice ? Elle est tellement prisonnière de ses problèmes ! Malgré tout, après mûre réflexion, épuisée, Aline va prendre le risque de livrer son secret car Julie jure qu’elle n’a personne d’autre à qui se confier.

Du jour où Aline aura partagé son trésor secret avec Julie, le téléphone cessera de sonner. Aline doit quitter son emploi car désormais tout le monde l’évite. Plus d’espoir de promotion professionnelle. Julie a mis toute la Société Temelpa en garde contre Aline. Aline est membre d’une secte et elle cherche à convertir autour d’elle. C’est ainsi que va la rumeur !

Cette histoire n’est pas un fait divers, c’est juste une histoire banale. Dites-moi, selon vous, de quel côté est venue la malveillance ? Est-on devant un cas de prosélytisme, ou s’agit-il d’une tentative de communication avortée entre deux camarades de travail ? Tout échange se voulant amical ou solidaire peut devenir manipulation mentale dans l’esprit des gens malsains ou sous-développés spirituels. Le délit de ‘manipulation mentale’ est en réalité une invitation à la délation, la porte ouverte au règne de l’arbitraire, le retour de la chasse aux sorcières. Toute personne jugée suspecte ou gênante pourra être interpellée, que son militantisme soit politique, religieux ou social. La Justice n’aura aucune obligation d’apporter des preuves puisque l’influence sur le mental d’autrui ne se mesure pas. Par contre, l’accusé n’aura aucun moyen de prouver son innocence.

Toute conversation un peu grave est une tentative d’influencer autrui. Pourquoi ouvrirait-on la bouche s’il n’y avait dans chaque parole le désir de convaincre ? Chaque vendeur zélé est coupable de ‘manipulation mentale’. Plus grave, les politiciens qui ont eu cette idée géniale d’importer en France la notion de ‘manipulation mentale’ - qu’on appelle aussi abus de faiblesse - sont les moins qualifiés pour jouer les donneurs de leçons. Une campagne électorale est le plus parfait exemple de ‘manipulation mentale’. On fait des promesses dont on sait que les chances qu’elles soient tenues sont nulles ou extrêmement faibles. Seulement, on promet quand même car, cn le sait, le peuple préférera croire afin de ne pas sombrer dans le désespoir. Cela, tous les politiciens en sont conscients et c’est pourquoi, en dépit de leur médiocrité évidente, ils s’imaginent qu’ils l’emporteront.

La ‘manipulation mentale’ que l’on reproche aux sectes est un acte naturel dont on peut user pour le meilleur ou pour le pire. Si la Justice la condamne, c’est de toute évidence pour éliminer tout ce qui pourrait faire de l’ombre à son autorité.

Même si je n’appartiens à ce jour à aucune secte, je considère la plupart des nouveaux mouvements spirituels comme des associations le plus souvent bienfaisantes ou du moins inoffensives ; il peut arriver que l’une d’elles se révèle dangereuse mais la grande majorité d’entre elles sont innovantes, et porteuses de valeurs dont les générations futures auront bien besoin. Les joies et les tribulations que nous vivons aujourd’hui sont la matérialisation des rêves de nos ancêtres. Les rêves deviennent réalité comme la vapeur d’eau devient glace. Si nous sommes peu fiers des valeurs qui prévalent aujourd’hui, il est trop tard pour pleurer ou pour manier le bâton. Il ne nous reste plus qu’à laisser les idéalistes rêver le monde de demain. Nul ne détient le secret qui mène à coup sûr à la Sagesse. A éliminer une association pour l’unique raison qu’on a du mal à en comprendre les rêves, on risque fort de jeter le bébé avec l’eau du bain. D’autant que selon ce que je vois ces temps derniers, les critiques les plus acerbes viennent de véritables handicapés spirituels.

La dimension spirituelle est dans l’Homme, c’est même la seule réalité qui l’élève réellement au-dessus des autres animaux.

Les itinéraires des oiseaux sont invisibles aux yeux des hommes et pourtant, tous les oiseaux atteignent, et à l’heure dite, leur destination. Les chercheurs de vérité peuvent parfois s’égarer en chemin. Cependant, aucun homme refusant le monde de l’invisible ne pourra l’aider. Demanderiez-vous à un unijambiste de vous apprendre à danser ?

La loi française n’a pas craint d’invoquer l’abus de faiblesse pour éradiquer les ‘sectes dangereuses’ ; alors, si l’on se réfère à ce critère, la Grande Secte de France, ce sont tous ceux qui, chacun à leur niveau, s’activent à préserver notre société telle qu’elle est.



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