Etant donné le rôle de premier plan que jouent les femmes dans lévolution des murs et de la civilisation, elles doivent être prioritaires dans le partage des richesses du pays. De leur éducation et de leur santé dépendent lavenir des enfants et la contribution que ces enfants seront pour la collectivité. Léconomie du pays fonctionne sur la base des rapports de force. Si les femmes acceptent ces règles, dabord elles seront à coup sûr les perdantes ; ensuite, leur première mission, là où elles pourraient régner sans partage, sera niée et en conséquence le monde sera privé de leur contribution. Notre civilisation, qui refuse de regarder ce problème en face, nest, de toute évidence, pas sortie du Moyen-Age.
Mis à part les tâches peu ou non lucratives, au nom desquelles on ne se prive pas de dire que les femmes sont irremplaçables, on attend toujours delles quelles se conduisent comme des poupées et tant pis pour celles qui sapparentent plutôt du dragon.
Les femmes se contentent des miettes tombées de la table pendant le banquet et on voudrait commander ce quelles peuvent ou ne peuvent pas faire avec leur propre corps. De grâce, laissez-leur au moins la souveraineté sur leur personne. Si vous voulez aider malgré tout les femmes qui ont choisi la prostitution, tenez pour certain que tant que le lot des femmes sera de vivre dans la nécessité et linsécurité et la peur, tous vos efforts ny pourront rien. Le proxénétisme et la pédocriminalité sont, je dois le souligner, étrangers à mon propos puisque, dans ces cas de figure, le droit de chacune au choix de sa trajectoire de vie est nié.
Cette loi criminelle et honteuse qui condamne la prostitution de rue cherche sa justification dans la dépravation quil y aurait à échanger du sexe contre de largent. Cest pure hypocrisie puisque linstitution du mariage est elle-même fondée sur ce troc. Une femme qui tire le bon numéro peut passer sa vie entière dans loisiveté. Elle gagne littéralement sa vie dans son lit. Entre nous soit dit, rien détonnant si, de temps à autre, un de ces richissimes magnats meurt de façon mystérieuse et prématurée !
Les prostituées vendent un service pour survivre. Pour que les femmes ne soient plus contraintes à ce commerce, ce nest pas une loi quil nous faut, cest une révolution des murs : Ou bien la race humaine appartient au règne animal et alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ou bien les humains se revendiquent comme supérieurs et il faut renoncer à la règle qui prévaut chez les animaux et qui veut que la loi du plus fort soit toujours la meilleure. Quand la force physique sera définitivement rangée au bas de notre échelle de valeurs, les femmes pourront reprendre la place quelles nauraient jamais dû perdre. La véritable vocation des femmes est denseigner aux hommes les lois de linvisible, cest-à-dire les choses de lEsprit. Les femmes sont au contraire soigneusement gardées dans lignorance de ces choses et cest ainsi que rien ne change jamais. Lobstacle le plus immédiat au progrès de lHumanité est probablement dressé par les femmes elles-mêmes qui agissent souvent à lencontre de leur intérêt bien compris.
Les femmes défavorisées naccepteront jamais laide soi-disant solidaire des femmes privilégiées tant que ces dernières confondront intellect et Intelligence, et tant quelles tireront vanité de leurs compétences universitaires ou de leur position sociale.
Le modèle de comportement patriarcal est omniprésent chez les femmes de pouvoir, chez celles qui se disent féministes comme chez les autres. Cest pourquoi je pense que la Vraie Révolution sera Intérieure ou ne sera pas. Apparaîtrait-il une femme vraiment remarquable, comment pourrait-elle gouverner ensemble des moutons, des ânes, des chiens, des vipères et des vautours ?
Dans leur combat contre le proxénétisme, les femmes au pouvoir aujourdhui ne peuvent rien espérer changer. Elles peuvent seulement suivre le sens du vent pour conserver leur siège de ministre, de secrétaire dEtat ou de députée. Pourquoi cela ? Parce quelles se sont battues pendant des décennies pour le droit des femmes à disposer de leur corps sur le thème de lavortement ; elles ont reconnu aux femmes la souveraineté sur leur corps pour mettre ou ne pas mettre des enfants au monde et voilà que, soudain, elles veulent leur retirer cette souveraineté au nom de leur morale unique. Le droit dune femme à disposer de son corps est un principe fondamental et inconditionnel des droits humains, au même titre que la liberté de pensée ou de croyance. Une femme ne peut pas davantage soumettre son corps aux dogmes politico-féministes du pouvoir en place quà la fantaisie dun proxénète.
Ce combat pour rester lunique propriétaire de son corps est une question aussi chargée denjeux que les luttes pour labolition de la peine de mort ou de lesclavage. Et il faudra, pour conquérir ce droit, en passer par la remise en cause de linstitution du mariage. Ce jour-là, enfin, notre société patriarcale aura vécu.
En reniant ou en renonçant à la spiritualité féminine qui était leur plus précieux atout, les femmes ont donné prise à la mainmise patriarcale sur leur vie. Les religions, ersatz de la spiritualité originelle, ont pris le relais : « Tu ne voleras pas, tu suivras ton mari ». Toutes les religions ou leurs apôtres ont allègrement manipulé les femmes ; parmi celles-ci, certaines ont bien légitimement réagi par le dégoût mais elles ont malheureusement confondu religion et dimension spirituelle de lêtre humain. Cest à ce stade-là quelles ont fait fausse route *. Elles ont jeté la meilleure carte de leur jeu pour se mettre à pleurer aussitôt.
Il nest pas nécessaire de mener une guerre frontale contre les hommes, la non-collaboration au quotidien suffira. Cest le travail déveil spirituel des femmes sur elles-mêmes qui amorcera naturellement le recul du patriarcat. Comme une forte lumière aveuglante qui vous cloue sur place immobile.
* Titre dun ouvrage dElizabeth Badinder