page précédente sommaire page suivante accueil


LETTRE A TOUS LES ‘BONS’
QUI MILITENT POUR LA PEINE DE MORT


La peine de mort a été abolie en France en 1981 mais le peuple français dans son ensemble n’a jamais cessé de la souhaiter.

Notre Justice condamne les assassins parce que, dit-elle, la vie humaine est sacrée. Seulement, il va alors de soi que la vie de l’assassin aussi est sacrée. Sanctionner un assassinat par la peine de mort ferait de nous des hors-la-loi. Voilà déjà une bonne raison de s’opposer à la peine de mort.

Il n’y a pas bien longtemps, les hommes doutaient que les femmes aient une âme. Selon eux, les femmes se situaient donc à mi-chemin entre l’Homme et l’Animal. Et c’étaient des personnes respectées, des intellectuels et des hommes d’Eglise, qui débattaient sur ce sujet. Alors voilà, je suis une femme et je vous oppose ce diagnostic : « Face au sexe féminin, les hommes ont une fâcheuse tendance à se conduire comme des animaux. Ils pourraient appartenir à une espèce inférieure. Il se trouve justement que les femmes n’auront bientôt plus besoin d’eux pour se reproduire, c’est sûrement un signe précurseur, qu’en pensez-vous ? Je ne sais pas pourquoi mais un petit texte que j’ai lu récemment revient sans cesse à ma mémoire : je me dis que Valérie Solanas avait peut-être raison quand elle écrivait que les hommes sont des femmes dont un chromosome X a perdu une branche. Nous cherchons par ailleurs dans les sondages pourquoi les femmes restent dans l’ensemble à l’écart de la politique et se disent incompétentes pour diriger les affaires importantes. Je soupçonne qu’elles refusent au fond d’elles-mêmes d’être assimilées à cette espèce pas très recommandable que les hommes représentent. Les femmes savent au plus profond d’elles-mêmes qu’une vraie révolution des mœurs commence par l’éducation et c’est sûrement là un signe qu’elles sont supérieures aux hommes.»

Il y a quelque temps, nous abattions par milliers des vaches auxquelles nous avions demandé de vivre pour notre seul plaisir gustatif. Nous ignorons si les animaux ont une âme mais qu’importe, nous sommes souverains puisque nous sommes les plus forts. Pourtant, qu’adviendra-t-il le jour où nous cesserons d’être les plus forts ? Une race d’êtres supérieurs peut sortir de l’ombre à tout moment pour décréter qu’au nom de cette supériorité, le reste de l’humanité doit être exécuté. Cela s’est déjà vu dans le passé. Si nous ne consultons pas les animaux pour prendre leur avis, pourquoi se soucierait-on du nôtre ?

Reconnaissons donc que l’Homme Moderne est somme toute médiocre. Il n’y a aucune raison sérieuse de penser qu’il soit le couronnement de la vie sur Terre. Nos embryons ressemblent à s’y méprendre à ceux du porc. Nous ne sommes, de toute évidence, qu’un maillon de la chaîne de l’évolution. Nous sommes perfectibles, donc susceptibles d’être traités un jour comme nous traitons les animaux aujourd’hui. La dimension spirituelle de l’Homme étant pour l’heure toute relative, son caractère sacré n’a rien d’absolu et la plus grande sagesse possible commande d’être humble et d’éviter toutes les occasions de nuire, que ce soit aux Hommes, aux animaux ou aux fleurs. Car le jugement des Hommes est trop peu sûr pour distinguer entre raison et folie.

Pour se rassurer, quand les humains condamnent à mort un criminel, ils préfèrent se dire qu’il n’est pas un Homme à part entière. Nous étalons en réalité notre arrogance au grand jour. Pour que les juges puissent dormir, aucune équivoque ne doit subsister sur notre éventuelle parenté avec ces ‘dégénérés’. Nous réunissons nos amis, leur demandons la confirmation que nous n’appartenons pas à ‘ce monde-là’ et exigeons que les ‘mauvais’ soient étiquetés et parqués. Et c’est ainsi que nous fabriquons les catégories inférieures. Toutefois, nul n’est bon si ce n’est par comparaison au mauvais. Les criminels doivent exister afin que les bons soient appelés les bons. Le choix des critères d’infériorité dépend de l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes. Mais ces hommes et ces femmes ‘inférieurs’ le sont uniquement par rapport à nous et sur la base des critères que nous avons fixés. Au fond, ils sont notre miroir inversé et les garants de notre santé existentielle.

Nous plaçons sur un piédestal les plus performants d’entre nous, particulièrement les détenteurs de capitaux et ces ‘grands’ cerveaux que j’appelle les ‘disques durs’. Notre Dieu, c’est l’Argent. Je m’oppose à cette méthode de mesure de l’intelligence qui accorde les places d’honneur à la précocité et à la rapidité. Ces qualités doivent être classées au même rang que l’adresse, le talent artistique, etc., tandis que l’Intelligence première doit être recherchée du côté du Cœur.

Je voudrais m’adresser à vous les ‘bons’ : « Eliminez tous les mauvais de la Terre et sous peu, la Terre en sera à nouveau garnie. Car il faudra que vous soyez bons dans les yeux de quelqu’un. Quand, par coupes successives, vous aurez éliminé tous les plus mauvais que vous, vous serez tout à fait seuls et vous vous suiciderez parce qu’il n’y aura plus personne pour vous dire que vous êtes les plus beaux et les plus intelligents du monde. Les ‘mauvais’ ne sont pas toujours très loin derrière vous sur la longue marche vers la sagesse ; parfois, ils vous devancent même de quelques pas. Il se pourrait même que les plus ternes des humains ne se trouvent près de vous que pour que vous puissiez briller à la manière de la Lune. La Lune est obscure sans le soleil pour la faire briller. Vous ne brillez pas davantage que la Lune mais vous êtes très fiers avec vos illusions. Vous croyez que vous brillez parce que vous êtes sous les feux des projecteurs. Vous les ‘bons’ qui réclamez la peine de mort, si je vous laisse dire, c’est au nom de la liberté d’expression, mais je ne puis vous soutenir. Je ne crois pas que les assassins méritent la mort par vos mains. Voilà pourquoi je me dois d’être contre la peine de mort. Si quelque part un assassin mérite la mort, y en a-t-il un parmi vous qui soit digne de le juger ?»

Alors que j’étais une enfant, j’ai croisé sur mon chemin un criminel. Comme il était le plus fort, je n’ai rien pu faire pour l’empêcher de nuire. Finalement, quelques semaines plus tard, une tempête en mer l’a emporté. La vie lui a été retirée sans procès.

La gravité d’un meurtre dépend avant tout du degré de sagesse de la victime et ceci vaut aussi bien pour les meurtres commis par les Hommes de Lois dans l’exercice de leurs fonctions. Les juges et les Hommes de Lois sont recrutés selon leurs connaissances, non selon leur Sagesse ou leur Grandeur d’Ame.



page précédente sommaire page suivante accueil